jeudi 21 juin 2012

Vertige de l'amour

Tout aurait pu me pousser à croire, puis ressentir, comme l'affirmaient nombre de critiques et libraires à la télé, dans les journaux, ou sur les ondes, que Karoo était un roman rempli de cynisme, et d'humour. Que son personnage principal, Saul Karoo, donc, était le représentant sur Terre de cette nouvelle vague de littérature remplie d'humour noir et de dénégation face à la race humaine.

Et c'est à peu près tout l'inverse qui ressort de cette lecture. Dépourvu de toute échappatoire sensitive suite à la disparition de son ébriété presque quotidienne, et donc d'une excuse valable pour se créer les illusions sentimentales du réel, Saul Karoo entreprend de se confronter aux murs des évidences comme un somnambule éclopé.

Tout enflé de remords qu'il est, il n'arrive plus à assumer son détachement existentiel, et tente par tous les moyens, dans une épopée, de renouer les liens qui l'attachent au monde. Liens avec son fils, entre son fils et sa mère biologique, avec sa mère à lui, avec le sentiment de l'Art, du Beau, et des abîmes du vide.

Il envie plus que tout la détermination et la beauté finale de l'Odyssée, ces retrouvailles somptueuses entre Ulysse, Pénélope, et Télémaque, et cet amour qui comble le vide de la déroute. Malheureusement, les voiles de son bateau à lui restent à jamais fermées, par le jeu du sort, des virages et de l'alcool. Karoo reste seul sur sa barque, les yeux perdus et attirés par le calme de l'océan qui s'étire, et s'allonge, encore, sans terre à l'horizon, sans rien à offrir sinon la mort omniprésente.

☛ Steve Tesich, Karoo, éditions Monsieur Toussaint L'Ouverture, 2012.

1 commentaire:

  1. Après cette belle critique...je pense que ce livre se retrouvera très bientôt dans ma bibliothèque

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